Pas facile, actuellement, pour certains commerçants déjà dans la difficulté avant le confinement, d’envisager l’avenir sereinement… Ils savent qu’ils vont sans doute devoir stopper leur activité.
Certains préfèrent prendre les devants et « arrêter les frais » pendant qu’il en est encore temps, pour se donner les moyens de réussir un prochain projet. Réaction honorable et sans doute responsable dans bien des cas. Leur demande au bailleur est simple : pouvoir résilier le bail, avant terme. De fait, un bail commercial 3/6/9 ne peut être résilié que par période triennale et avec un préavis de 6 mois. Certains commerçants ne veulent (peuvent) pas attendre ce terme.
Agir avant l’orage peut être bénéfique pour les locataires commerçants...
Laisser traîner une situation difficile n’est, de fait, pas toujours la meilleure solution. Pour une affaire qui finit par repartir, beaucoup sont vouées à un dépôt de bilan ou à un redressement judiciaire, pour terminer aussi, parfois, en liquidation. Or, cet « acharnement » (dans les cas désespérés) n’est pas sans conséquence. Les loyers impayés font l’objet d’une procédure de recouvrement, comme toute créance, émanant de l’Etat ou d’entreprises privées. Le coût final peut être conséquent et obérer toute chance de réouverture d’une nouvelle affaire.
Une résiliation amiable du bail permet aux locataires de stopper l’hémorragie au plus vite et d’éviter les procédures coûteuses.
... mais aussi pour les bailleurs !
Certes, un bailleur est « a priori » en position de force. Il dispose d’un bail commercial en bonne et due forme, protégeant ses intérêts.
En situation de crise, toutefois, la situation est plus complexe. Les loyers impayés qui peuvent se succéder représentent une dette remboursable au bailleur, certes, mais sera-ce réellement le cas ? Les frais de contentieux (lettres d’avocat, services d’huissier, etc.) peuvent être lourds et un administrateur judiciaire, éventuellement nommé pour une année, renouvelable, fera souvent passer les créances publiques (URSSAF, TVA, etc.) avant les dettes dues au bailleur !
C’est pourquoi négocier avec son locataire une résiliation amiable peut souvent servir les intérêts du bailleur. Tourner la page, avant que les choses n’empirent, pour retrouver un nouveau locataire solvable, est souvent payant.
Un accord privé entre les parties...
Pour ces commerces à haut risque, la résiliation du bail à l’amiable représente donc une solution à privilégier : le but est d’intervenir en amont, avant tout cheminement juridique contraignant (notamment financièrement) pour les deux parties.
Si le fonctionnement du bail commercial est encadré par la loi, les résiliations amiables, elles, ne sont pas réglementées. Les deux parties doivent négocier un protocole consistant en un renoncement à l’application des règles du bail 3/6/9 pour une sortie anticipée. Ce protocole de quelques pages explicite les modalités de sortie du locataire, avec, le cas échéant, le montant de la pénalité de compensation que le commerçant devra verser au bailleur, en dédommagement du préjudice (vacance de loyers prévisible). Celle-ci correspond souvent à tout ou partie du dépôt de garantie (représentant 3 à 6 mois de loyers, en général).
... que le bailleur doit sécuriser en ne le signant qu’après obtention de certaines informations
Cette résiliation amiable du bail nécessite impérativement, avant signature du bailleur, deux opérations :
- Le bailleur doit prendre connaissance de l’état des nantissements du commerce afin de s’assurer que le locataire est à jour de ses dettes ;
- Il doit aussi obtenir auprès de la banque du locataire une lettre notifiant que ce dernier n’a pas de crédit.
Si la banque donne son accord et que l’état des nantissements a été levé sur le site d’Infogreffe, les deux documents sont annexés à la rupture amiable et les deux parties peuvent reprendre leur liberté.
Attention ! Ces deux documents sont primordiaux sous peine de rendre la résiliation amiable nulle et de mettre en risque le bailleur. De fait, des créanciers peuvent alors se présenter et lui reprocher d’avoir permis au locataire de quitter les lieux alors qu’il avait encore des factures non acquittées. Récupérant la responsabilité car n’ayant pas fait le nécessaire avant la sortie du locataire, le bailleur devient alors la personne auprès de qui les créanciers vont se retourner. Charge à lui, ensuite, d’aller chercher les montants avancés auprès de son ancien locataire.